15.04.2015 | Terre à Ciel (France)
Anche la rivista francese “Terre à Ciel” mi ha fatto l’onore di ospitare alcune mie poesie tratte da “La Raccolta del Sale” (Giulio Perrone Editore) e tradotte dalla bravissima Silvia Guzzi.
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Note de lecture sur La Raccolta del Sale, par Guido Selvatici, parue en italien dans la revue italienne « La Piè » (mars 2014) – note de lecture inédite en français, traduite par Silvia Guzzi*
Soudaine, émotive, presqu’en lien magique avec toute analyse de lecture, la poésie d’Alessandro Brusa effleure, sans la moindre hésitation, l’éternel traumatisme, le théorème fatal de la calligraphie poétique.
L’écriture est un mouvement physique, tenace, infidèle. Un rituel qui annule les absences, en les métamorphosant. Elle semble les négliger pour mieux les posséder ensuite dans un geste d’équilibre féroce, presqu’incurable. Des signes résolus qui filtrent le corps à mains nues (« … mes pensées jouent souvent faux / et les chambres de mon temps / je les ai grand ouvertes en hurlant des mots déplaisants… »). Il n’y a plus qu’à lire, à entrer dans les mots, à essayer de comprendre. Et enfin, dans un contraste qui vole le temps, à écouter. Cette voix qui se laisse écouter, sans fragilité ni compromis, est une voix autre. Une poésie autre. Loin des mots soignés mais sans nerf, loin des écritures faussées par de tristes imitations. Entendons-nous, chaque artiste est par nature une éponge qui absorbe – inévitable dette – l’art qui le précède. Les correspondances syntaxiques et du corpus avec les auteurs du passé est un gage sain et dû qui enrichit toute identité d’une langue renouvelée, qu’elle soit composition musicale, peinture ou écriture. En cela, Alessandro Brusa, si j’en crois ses propres confidences, ne fait pas exception à la règle.
Avec courage et habileté, il brave la structure de ses multiples chambres, il amarre les interphrases, à la respiration plus courte en apparence seulement, qui reflètent l’agencement lyrique de l’un de ses poètes de référence, le Percy Bysshe Shelley de Field Place. Mais l’influence de ce dernier, malgré ce clin d’œil volontaire, ne va pas plus loin car la poésie d’Alessandro Brusa ne chemine pas le long des mêmes thèmes, elle gravite autour d’un monde très différent qui l’habite avec force et le hante de questions pressantes. Dans cette sorte de dépaysement qui rarement l’abandonne, son parcours poétique sait être à l’unisson doux et féroce. Il a le courage de se salir les mains, de pétrir les mots comme on pétrit la terre, pour mieux les accueillir et respirer jusqu’à se noyer dans les blessures du temps qui n’appartiennent qu’à lui seul, railleur, profond et sensible aux controverses des moindres abandons. Son écriture est « autrement » forte et tourmentée, parfois volontairement impudente (parce que je ne sais pas la dire cette vie / ajoutée que je te lance à la figure). Brutal envers lui-même, il ne l’est jamais envers celui qui sait accueillir cette poésie ferme et haletante à la fois. Celui qui sait le lire alors même qu’il lacère son monde dans une morsure impénétrable et pourtant consciente. Il arrive enfin, dans les moments les plus sombres, que la parole se plaque et trouve soudain la paix.
11.04.2015 | asSaggi critici
Silvia Guzzi e Fabio Michieli su “La raccolta del sale”
Il sale come cura per il tempo: sia quello passato, sia quello prossimo; perché il sale cicatrizza, il sale condanna, ma pure conserva ciò che è bene portare con sé nel futuro, o quanto meno nel presente quotidiano. Sicché è l’esperienza di vita a essere messa sotto sale e proiettata nel domani. E raccogliere il sale è un’arte, come lo è la poesia (senza retorica).
Colpisce il centro la poesia di Alessandro Brusa, perché il suo centro è la vita. Detto questo, la sua poesia è diretta nelle parole (quelle parole che “lo vivono”, come lui stesso afferma) ma richiede, giustamente, coerentemente, obbligatoriamente, un certo sforzo, un certo impegno da parte del lettore: perché lo richiede l’etica stessa del suo dettato («Ho tramutato i miei passi in orme di gigante // l’ho fatto con l’ignoranza spicciola del contadino / che all’estate chiede pioggia a suo piacimento; // mi sono fatto sottile negli anni / con lentezza e calando ad una maglia più fine / mi sono stretto al collo / in un momento solo, dopo il tramonto; // ma ora sono qui ed in questo mondo di strade / non so con che voce dirti come mi chiamo, / se la fragilità è un legno che non conosco.»; Ho tramutato i miei passi in orme di gigante, p.16).
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15.03.2015 | Terres del Femmes (France)
La rivista Terres De Femmes sul numero di marzo 2015
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Le sel pour panser le temps : le temps passé, et le temps proche; parce que le sel cicatrise, le sel condamne, mais il conserve aussi ce qu’il est bon d’emporter avec soi dans l’avenir, ou du moins dans le présent quotidien. Ainsi c’est l’expérience de vie qui est mise sous sel et projetée vers demain. Et récolter le sel est un art, comme l’est la poésie (sans rhétorique).
La poésie d’Alessandro Brusa va droit au centre, parce que son centre c’est la vie. Sa poésie, ses mots (qui, comme il le dit, « l’habitent »), est directe mais elle demande, à juste titre, en conséquence, obligatoirement, un certain effort, une certaine attention de la part du lecteur : parce que c’est l’éthique même de son écriture qui le veut.
Bannies les formes closes, banni le vers canonique : le discours est haché, fragmentaire et reconstruit par étapes. Le vers est en chute et plus d’une fois il prend certaines choses pour acquises et se permet de commencer par deux points. Un usage de la ponctuation qui n’a que faire des formules avant-gardistes rabâchées (celles qui donnent çà et là des coups de pied dans le vide) mais qui participe de la construction du discours et indique des pauses qui ne sont pas seulement syntaxiques : ce sont des pauses de la pensée ; elles rendent fidèlement l’idée que tout ce qui est écrit et qui se lit à l’instant est la conséquence d’une expérience qui n’entend pas voiler la rage, la douleur, la joie, l’amour, le désir, la peur. L’intention d’Alessandro Brusa n’est pas de dissimuler le corps derrière les mots mais plutôt de construire le corps avec les mots (ceux qui « l’habitent »).
La présence de nombreuses synesthésies doit donc être appréciée du double point de vue linguistique et psychologique : les audacieuses associations de mots habituellement étrangers l’un à l’autre – du moins dans le langage courant – sont l’expression d’une perception très personnelle de son vécu et de sa façon à lui de l’analyser.
C’est ainsi que se manifeste un moi poétique que l’on retrouve dans presque tous les poèmes de La raccolta del sale mais que l’on se gardera bien de qualifier d’omnipotent dans la narration : car le moi ne domine pas la scène, pas plus qu’il ne la contrôle. Le moi est acteur d’une évolution, d’un parcours rythmé en cinq parties qui dialoguent entre elles, à deux doigts du roman de formation (Alessandro Brusa, rappelons-le, a débuté avec un roman) sans toutefois se prendre au piège d’une narration indésirable. Rien de tout cela.
La manière dont il se dévoile nous renvoie davantage au passé, voire aux poètes romantiques anglais, à un Percy Bisshe Shelley qui, tel un involontaire Virgile, illustre le premier volet du recueil Nel silenzio del suo sangue. Et le voilà, le sang, la première humeur du corps que l’on croise dans ces poèmes. Un corps à la fois observé du dehors et ausculté du dedans. Encore une fois, c’est ce déchiquètement net et précis qui le distingue d’une grande partie de la poésie de ces dernières années qui a placé le corps au centre de son propos.
Un corps démembré et reconstruit sur lequel se lisent clairement toutes les cicatrices que le sel de la vie a séchées et soignées. Exposées et non pas cachées. Aucune opération de reconstruction plastique et, dès lors, faut-il encore le répéter, aucun recours à des formes closes ni à aucun mètre rassurant et reconnaissable.